Vous trouverez ci-dessous un document d’amorçage de la réflexion sur ce sujet. N’hésitez pas à le télécharger (liens en fin de texte) puis à me le retourner annoté, modifié ou complété sur la boîte richarddomps@gmail.com Je ferai ensuite une synthèse de ces retours, qui sera soumise à la réflexion du groupe de travail qui se sera constitué sur ce thème.
Richard Domps, animateur du thème.
Plan du document
3.1.1 – Disparition de la planification publique d’ensemble
3.1.2 – Raisons de cette disparition
3.1.3 – Les effets pervers de la non-planification
3.1.4 – Ébauche de solution
3.1.5 – Avantages attendus
3.1.6 – Risques éventuels
3.1.7 – Modifier la comptabilité nationale
3.1.1 – Disparition de la planification publique d’ensemble
Le commissariat général au Plan ou commissariat général du Plan (CGP) est une institution française ayant existé de 1946 à 2006, chargée de définir à titre indicatif la planification économique du pays, notamment via des plans quinquennaux… Le Plan cesse d’être un organe de planification pour prendre en 2006 le nom de « Centre d’analyse stratégique » (CAS) puis, en 2013, celui de commissariat général à la Stratégie et la Prospective, plus connu sous le nom de France Stratégie. (Wikipedia)
Dans notre jeunesse (années 50-60), la France avait des plans quinquennaux. Ceux qui s’en souviennent se rappelleront certainement qu’on y portait alors attention, notamment dans la presse.
A partir des années 70, du fait peut-être de la contestation libertaire de 1968 et de la crise pétrolière de 1973, le plan quinquennal ne faisait plus guère recette dans les médias et quand il a disparu en 2006, c’était plus un constat de décès qu’une vraie décision : pratiquement personne n’a protesté (les plans quinquennaux s’étaient d’ailleurs arrêtés en 1993 sans susciter de vif émoi).
3.1.2 – Raisons de cette disparition
Nous avons mentionné deux raisons externes mais sans bien être certains qu’elles furent décisives. Nous pensons plutôt qu’elles furent le déclencheur de raisons plus profondes.
3.1.2.1. des raisons idéologiques et politiques
Tout d’abord le XXème siècle, dans son deuxième quart, a connu beaucoup d’expériences totalitaires (par ordre d’arrivée : URSS, Italie puis Allemagne) : ce furent des régimes terribles qui n’hésitaient pas à contraindre à l’extrême, le dernier étant d’ailleurs encore pire que ses prédécesseurs. Bien sûr ce n’était pas de la planification démocratique comme nous la défendrons, mais cela a entaché sérieusement l’exercice.
La seconde guerre mondiale ayant dévasté le continent, les USA ont lancé un grand plan d’investissement pour relever l’Europe et lui permettre de résister face au bloc soviétique. La France a institué un mécanisme de planification quinquennale sous l’influence de deux facteurs particuliers :
– une longue histoire d’État centralisé avec des grandes écoles civiles et militaires qui fournissaient les cadres de commandement
– une forte influence du gaullisme et de la gauche
Quand, en 1969, de Gaulle quitta le pouvoir, à l’occasion d’un référendum manqué sur une grande réforme institutionnelle, son successeur (Georges Pompidou), plus porté par les milieux financiers, porta un moindre intérêt pour les plans quinquennaux. Le décès de ce dernier en 1974 et la défaite du gaulliste historique Chaban-Delmas au profit de Giscard d’Estaing (aidé de Jacques Chirac), acheva le déclin de l’idée de planification.
La gauche arrivée au pouvoir avec François Mitterrand en 1981 s’engagea dès 1983 dans le tournant de la rigueur, ce qui signifiait qu’elle se convertissait aux dogmes d’un libéralisme peu encadré. A part quelques discours forts pour les congrès du PS (il fallait bien faire semblant, pour mobiliser les électeurs), l’abandon des principes de planification étaient acquis et quand la gauche quitta le pouvoir en 1993, la droite n’eut aucune difficulté pour supprimer les plans quinquennaux.
Dès lors, la suppression du commissariat général du plan en 2006 (fin des mandats de Jacques Chirac) achevait de concrétiser ce déclin politique et idéologique.
Nota : on a beau dire que France Stratégie a remplacé le commissariat général du plan, on ne voit pas qui serait capable de citer une idée forte (et opérationnelle) promue par le gouvernement, au nom d’une recommandation stratégique impulsée par celle-ci.
3.1.2.2. des raisons plus fondamentales
Les raisons purement idéologiques et politiques ne suffisent pas à tout expliquer.
En effet, si la planification démocratique à la française avait été efficace elle aurait certainement influé sur l’évolution politique et idéologique de notre état. Elle aurait également pu servir de modèle à l’Europe, d’autant plus que, sous Jacques Delors, l’influence française était prépondérante.
Le vrai problème semble provenir du fait qu’il ne s’agissait pas d’une planification stratégique mais d’une planification tactique à moyen terme : 5 ans c’est bien court par rapport à la durée de vie économique réelle. Pensez que toutes les voies ferrées ont été construites (en 30 ans seulement) au milieu du XIXème siècle et qu’elles constituaient l’intégralité du réseau ferré jusqu’en 1980 (arrivée des premières voies TGV), ce qui fait une durée d’utilisation exclusive pendant 100 ans et une utilisation probable encore pendant de nombreuses décennies.
On peut ainsi avancer que si les plans ont disparu ce n’est pas tant parce que le libéralisme les a tués mais surtout parce qu’ils étaient plus un mode de gestion court terme de l’action publique qu’une vraie vision stratégique à long terme de ce que pourrait devenir la France.
Croyons-nous réellement que les 23 000 km de voies ferrées construites au milieu du XIXème siècle étaient la résultante de calculs de rentabilité ? Certes il n’y avait pas réellement de plans structurés en tant que tel, mais il y avait une vision globale de la part de l’État, ce qui dynamisait toute l’économie, bien qu’elle fut très libérale.
Comparons maintenant aux 2 600 km de voies TGV réalisées en 40 ans (10 ans de plus pour 10 fois moins de km, avec pourtant des moyens techniques bien plus performants qu’au XIXème siècle). Nous nous rappelons par exemple que la ligne TGV Est a longtemps attendu pour cause de non-rentabilité. Ah bon, il n’est pas intéressant de nous connecter avec l’Alsace et la Lorraine, régions peuplées et dynamiques, ni avec l’Allemagne pays encore plus peuplé et dynamique ?
On le voit bien, si les plans ont disparu ce n’est pas parce qu’ils étaient trop normatifs et empêchaient le développement mais au contraire parce qu’ils étaient trop gestionnaires et très peu stratégiques.
3.1.3 – Les effets pervers de la non-planification
Ils sont faciles à constater : dépeuplement des campagnes et densification des métropoles, délocalisation du travail dans les pays à bas salaires, accroissement des inégalités.
Les actifs (salariés, fonctionnaires, professions libérales,…) se regroupent en zone dense où se trouve l’emploi parce qu’il n’y a pas de moyens de transports rapides et fiables qui irriguent notre territoire.
Le libéralisme économique nous semble le moyen le plus performant d’application des décisions stratégiques, mais encore faut-il qu’il y en ait. En l’absence de stratégie, il ne fait que suivre la pente naturelle la plus mathématiquement rentable dans un cadre d’absence de volonté de long terme.
Ainsi toutes les décisions économiques (concentration, délocalisations, augmentation des inégalités,…) sont prises en fonction de considérations de court terme de façon, anti-écologiques et anti-sociales. Le coût écologique et humain va aller croissant, mais, au moment où les calculs court-termistes les prendront en compte, il sera peut-être trop tard : la planète sera devenue trop abimée et trop violente pour que les remèdes libéraux s’appliquent.
Sera-ce alors guerres, famines, dépopulation, dictatures ? Personne ne peut le prévoir… et peut-être tout cela ensemble.
3.1.4 – Ébauche de solution
La solution institutionnelle semble globalement assez simple à imaginer : instituer des lois de programmation sur très longues périodes c’est-à-dire correspondant à la durée d’amortissement réelle des investissements publics, disons donc sur 50 ans pour fixer un ordre de grandeur.
Ces lois pluri-annuelles seraient détaillées et très explicites ; elles s’imposeraient aux gouvernements successifs de façon analogue à la Constitution. Elles seraient donc obligatoirement validées par référendum.
Mais le monde évolue et on ne peut prédire de façon certaine ce qui se passera dans 50 ans et il faut donc un processus d’actualisation régulier qui permette de corriger le tir en fonction des évolutions et surtout de l’effet d’expérience des réformes et investissements mis en place.
Pour conserver un aspect à la fois adaptatif et démocratique, on pourrait prévoir une actualisation à chaque mandature législative, soit donc tous les 5 ans, voire lors d’un changement majeur de gouvernement (nomination d’un nouveau premier ministre).
On pourrait même prévoir que, chaque printemps, un référendum de prorogation du plan à long terme serait organisé. En cas de vote négatif, le gouvernement aurait l’été pour proposer un plan ré-adapté qui soit à nouveau approuvé par référendum à l’automne :
– soit ce nouveau référendum verrait l’adoption du plan modifié, auquel cas c’est ce nouveau plan qui s’imposerait au futur budget de la Nation,
– soit le référendum serait négatif, auquel cas l’ancien plan serait maintenu et le parlement (qui avait validé ce nouveau référendum) dissous.
De nouvelles élections législatives auraient alors lieu en tout début d’année suivante, afin de laisser le temps d’installer un nouveau gouvernement, lequel qui aurait comme mission prioritaire de proposer un plan actualisé qui serait à nouveau voté à l’automne.
3.1.5 – Avantages attendus
3.1.5.1. Une stabilité dans les processus de décision
Comme on le voit les plans, auraient une certaine garantie de pérennité puisqu’ils ne seraient vraiment modifiés que tous les 5 ans et s’imposeraient aux gouvernements successifs pendant toute la mandature. Nota : le référendum de printemps conduira généralement à une reconduction, à moins d’une vraie crise politique
Ils seraient cependant annuellement adaptés afin de procéder à des corrections de trajectoire, si le référendum de printemps est négatif, ce qui implique donc l’adoption d’un nouveau plan à l’automne.
Enfin, le risque d’une non-adoption d’un plan actualisé à l’automne obligera le gouvernement et le parlement à tenir compte des raisons qui ont entraîné le vote négatif du printemps afin qu’il y ait une vraie correction de trajectoire et non un embourbement institutionnel.
3.1.5.2. Une revivification de la démocratie
Selon notre proposition, le débat sur les orientations gouvernementales de long terme serait permanent puisque, une fois par an, l’ensemble du plan à long terme serait a minima discuté (cas où il serait reconduit lors du référendum de printemps), soit infléchi (cas où le référendum de printemps conduirait à devoir l’infléchir).
Ainsi donc le débat politique s’inscrira dans les réalités objectives, ce qui forcera les politiques à travailler dans le concret et non à se bercer de phrases aussi péremptoires que la vacuité politique qu’elles expriment.
3.1.5.3. Une bonne intégration budgétaire
Le Plan s’imposant lors de la construction budgétaire, on associerait à la fois une vision long terme évolutive, sur laquelle les citoyens se prononceraient annuellement, et la politique du gouvernement au sens classique, donc plutôt axée court terme (principe d’annualité des budgets nationaux).
3.1.6 – Risques éventuels
Nous en voyons deux essentiellement : risque d’instabilité des plans, risque d’instabilité politique.
3.1.6.1. Instabilité des plans
On pourrait imaginer que les mécanismes annuels d’actualisation aboutissent à des revirements brusques et fréquents : la stabilité des orientations de long terme serait alors mise à mal.
En fait, c’est tout sauf probable,… sauf si on pense que nous sommes une nation de demeurés. En effet les plans auront été élaborés avec un grand niveau de sérieux en combinant les diverses expertises, les avis politiques et l’opinion de l’ensemble des citoyens. Les référendums annuels n’induiront donc que des adaptations mineures le plus souvent sous forme d’accélération ou de décélération (voire d’arrêt) de certains axes d’évolution.
Les inflexions annuelles ou quinquennales apporteront d’ailleurs la garantie qu’on ne s’entêtera pas dans des directions peu porteuses de progrès réel.
Le double mécanisme de référendum devrait en effet avoir pour conséquence que, lors du référendum de printemps, les critiques seraient assez précises et d’ampleur (sinon pourquoi demander une inflexion des axes stratégiques ?).
Si le référendum d’automne rejetait le nouveau plan, cela prouverait que le gouvernement et le parlement n’ont pas bien compris les raisons du vote négatif du référendum de printemps, ce qui logiquement entraînerait la dissolution du parlement : ce dernier y réfléchira donc à deux fois avant de laisser le gouvernement faire n’importe quoi.
3.1.6.2. Instabilité gouvernementale
On pourrait aussi imaginer que les ambitieux prennent occasion de ces referendums annuels pour renverser le gouvernement, dissoudre l’assemblée et ainsi tenter leur chance.
Mais c’est faire preuve d’un grand mépris de l’électorat et des citoyens.
Certes, on voit parfois des votes peu compréhensibles mais nous pensons qu’ils sont plus le reflet d’un dysfonctionnement des mécanismes politiques (et en particulier de la grande faiblesse de pensée des partis actuels) que du fait des citoyens. Si le personnel politique était meilleur, les électeurs seraient plus pertinents. La réciproque est vraie !!!
Dans les nouveaux mécanismes de réflexion sur les plans de long terme, il est certain que les électeurs seront moins tentés d’écouter de purs ambitieux, car ceux-ci seront questionnés sur des aspects bien concrets et bien réels.
Nous ne pouvons qu’en attendre une élévation du niveau global de la politique, tant du côté des décideurs que du côté des électeurs.
3.1.7 – Modifier la comptabilité nationale
Parmi les réformes utiles, on en profitera pour modifier la comptabilité nationale afin de distinguer les dépenses et les investissements. Rien de révolutionnaire puisque c’est le mécanisme des finances locales.
Mais quand on pense financement des investissements on pense également trésorerie, autofinancement, emprunts, dettes et actifs. En la matière il y a un gros travail à réaliser (qui sera l’objet d’une autre thématique).
Et quid si Bruxelles n’acceptait pas ces modifications comptables de bon sens ? Très franchement et tout pro-européens que nous sommes, nous nous assiérons sur leur avis ! Car on ne peut se vouloir en faveur de l’économie de marché et maintenir pour les états une simple comptabilité de trésorerie, comme actuellement.
Bien sûr tout ceci nécessiterait qu’on mesure la rentabilité des investissements. Proposons des « comptes d’exploitation » prévisionnels de chaque investissement pour vérifier qu’il s’agit bien d’un investissement utile selon les objectifs recherchés et quantifiés économiquement.
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