L’écriture inclusive est à proprement parler illisible. Essayez de lire un texte écrit en « inclusif » et analysez toutes les contorsions de langage qu’elle vous oblige à réaliser.
Si on adopte ce système d’écriture, non seulement on va rendre la lecture plus pénible (alors qu’on s’inquiète justement du déclin de la lecture) mais en plus on assistera à une déconnexion croissante entre l’écrit et l’oral, ce qui n’aidera guère les enfants dans leur apprentissage et accroîtra l’écart entre les populations expertes et celles qui n’ont pas eu la chance de faire de longues études.
Plus dangereux encore, cette disjonction écrit-oral pourrait conduire à une parole incontrôlée et incontrôlable. L’écrit véhicule une certaine assurance et une rationalité qui sont plus difficilement contrôlables à l’oral. Ce nouvel affaiblissement de l’écrit au profit de l’oral ne serait pas sans danger, car l’oral véhicule plus d’émotion que l’écrit. Tant que l’antisémitisme est resté du domaine de l’écrit, il était potentiellement dangereux mais peu actif en Allemagne ; quand il fut porté par les discours, il devint monstrueux.
Par ailleurs, il conviendrait d’abord d’étudier le lien de causalité éventuel entre grammaire et sexisme :
- l’anglais n’a pas de marque de genre et le pluriel n’est donc pas plus masculin ou féminin que le singulier. Pourtant cela n’a jamais empêché le machisme (clubs privés interdits au femmes)
- l’allemand n’a qu’un seul pluriel comme le français,… mais celui-ci a la marque du féminin (« die »). La société allemande fut-elle moins sexiste que la française ? Rien de bien certain.
Quant au russe, à l’arabe, à l’hindi, au chinois, au persan, ont-ils deux ou plusieurs genres et comment traitent-ils les pluriels mixtes? Cela rend-il les sociétés plus ou moins sexistes ? On peut en douter.
A titre personnel, j’utilise les règles standards du français : cela ne m’empêche nullement de penser que les femmes ne sont ni inférieures, ni supérieures aux hommes et qu’elles ont les mêmes droits.
Enfin, last but not least, au moment où les questions de genre deviennent plus floues et contestées, notamment avec le mariage pour tous, la PMA, la GPA, ce combat pour une écriture complexifiée qui insiste sur la différence femme-homme semble très décalé, voire carrément anachronique. En tout cas ce n’est pas une marque de logique.
La « solution » de l’écriture inclusive pour lutter contre les inégalités hommes-femmes semble donc tout à la fois dérisoire, inefficace et illogique En revanche les craintes dans le domaine de la lecture et de l’écriture, et éventuellement dans le domaine de la pensée, semblent assez graves pour qu’on y réfléchisse à deux fois avant de s’amouracher d’une lubie de quelques intellos qui n’assureront pas forcément l’après-vente.
En tout cas, si jamais une étude approfondie arrivait à démontrer que le machisme se nourrit réellement du fait que les pluriels soient au masculin quand il y a mixité, alors décidons tout simplement que les pluriels se fassent au féminin. Ce sera simple et d’ailleurs pas totalement extraordinaire, puisque qu’il y a déjà « amours », « délices » et « orgues » qui suivent cette règle.
Et c’est en soi un beau programme !